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8 erreurs qui entravent les AMDEC


Les AMDEC (Analyse des Modes de Défaillances et des Criticités ; en anglais: FMEA Failure Modes and Effects Analysis) sont des outils très puissants pour maîtriser les risques durant la conception et la production d’un produit ou service. Dans mon expérience, j’ai observé un certain nombre d’éléments récurrents qui entravent le bon déroulement d’une séance d’analyse et son efficacité. J’espère que cette liste vous permettra de tirer le meilleur parti de vos futurs AMDEC et des ressources qui vous y consacrez.

Utiliser une échelle d’évaluation trop détaillée

Les débats autour des scores sont probablement la plus grande perte de temps et d’énergie durant les AMDEC.
Souvent, les échelles vont de 1 à 10. C’est déjà assez détaillé pour laisser place au débat: la fréquence est-elle un 7 ou un 8? La probabilité de détection, un 3 ou un 4? C’est parti pour des heures d’argumentation!

Voilà quelques solutions possibles:

  • Lors du premier passage, n’utiliser que les nombres impairs, ou utiliser une échelle plus grossière allant de 1 à 5.
  • Utiliser les autres problèmes déjà décrits comme support à la décision. Pour cela, classer les autres problèmes par ordre croissant selon le critère qui fait débat, puis demander de placer le problème qui fait débat dans cette liste. « On a mis la note de 4 au problème Y. Tu penses que dans ce cas c’est pire? »
  • En cas de désaccord sur de petites différences, retenir le score le plus pessimiste.
  • En cas de désaccord sur de grandes différences, veiller à ce que chaque avis puisse être expliqué en détail. Si la discussion s’éternise, noter les scores proposés et attendre la fin de la séance pour y revenir. Si besoin, faire appel à un expert ou à un point de vue extérieur. Si toutes ces mesures échouent, retenir le score le plus pessimiste reste l’option la plus sure.

Confondre sévérité et fréquence

Durant le brainstorming, une personne décrit un problème potentiel: « il pourrait se passer X ». Une autre lui répond dans la foulée « Mais non! Ça n’arrive quasiment jamais! ». Ce qui est dommage, c’est que le groupe va probablement décider de ne pas noter le mode de défaillance en question, et cela sans raison valable.

En effet, l’évaluation de la fréquence (« quasiment jamais ») n’est qu’un des critères d’évaluation d’un problème, ensemble avec la sévérité et la probabilité de détection. Pour bien utiliser les AMDEC, il faut noter tous les problèmes potentiels et évaluer chacun des critères de risque de manière séparée. C’est justement cette évaluation indépendante selon les trois axes (fréquence, détection, sévérité) qui fait la force de l’AMDEC en tant qu’outil.

Par exemple, si vous fabriquez des grilles-pains et qu’un défaut crée un risque d’incendie chez le client (issue potentiellement fatale), mais seulement 1 fois tous les 100’000 d’unités (« presque jamais »), vous faites mieux de prendre sérieusement en compte ce problème, indépendamment de la faible fréquence.

Une variante de cette erreur consiste à balayer un problème, car on n’a pas de solution: « Mais on ne peut rien faire là-contre! ».
Il est d’autant plus important de décrire un problème et de l’évaluer quand celui-ci semble impossible à contourner. En outre, il est possible qu’une solution soit trouvée par la suite. Ou alors, le fait que le problème soit grave et qu’il n’y ait pas de solution va pousser à revoir cette partie du produit.

Ne s’intéresser qu’au score calculé

C’est la suite du problème précédent.
Le groupe a quand même noté le problème d’incendie dans son analyse. Le score de sévérité est maximal, mais la fréquence très faible. Le groupe pense qu’il y a une probabilité moyenne de détecter le problème durant la production.

Au final le score calculé est moyen. Le problème passe donc juste après le risque que les étiquettes de décoration ne se décollent pendant que le grille-pain est stocké chez le distributeur. Espérons qu’il restera suffisamment de ressources allouées au projet pour aller diminuer ces risques.

Il faut donner une haute priorité à tous les problèmes qui impliquent une atteinte à une personne ou à un objet autre que le produit en question.

Réaliser l’AMDEC quand c’est déjà trop tard

Inutile de réaliser un AMDEC si vous ne pouvez plus rien changer.
Quelques situations typiques:

  • Le produit ou service est déjà conçu ou est en phase de finalisation.
  • L’équipe n’est pas disponible pour implémenter les modifications et/ou est déjà passée au projet suivant.
  • La documentation technique n’est plus censée être modifiée (« design freeze »).
  • Les pièces ont déjà été commandées en grand nombre chez le fournisseur. C’est particulièrement problématique pour les pièces injectées et/ou nécessitant des outils sur-mesure pour leur réalisation. Les coûts élevés liés à la modification des outils sera prohibitif.

Planifiez les AMDEC suffisamment tôt dans le développement de vos produits. Vous pouvez aussi en faire un événement récurent, qui se déroule régulièrement et accompagne l’évolution de votre design.

Séparer strictement les AMDEC de conception et de processus

On distingue souvent les AMDEC de conception (design FMEA ; dFMEA) et les AMDEC de processus (process FMEA ; pFMEA). Un symptôme de cette séparation est que durant une séance dédiée à l’un de ces AMDEC, on va rejeter les problèmes qui tomberaient sous l’autre type d’analyse. « Là on s’intéresse à la conception, ça c’est un problème de processus », et inversement. C’est bien dommage d’ignorer ainsi un risque identifié!

Au contraire, il faut considérer l’AMDEC comme un document vivant, avec une séparation faible entre conception et processus. Les analyses de conception et de processus devraient être décrites dans le même document, voir dans la même liste, avec juste une colonne pour indiquer la catégorie du risque décrit.

Ne pas adapter les critères d’évaluation à sa situation

Voilà une table d’évaluation de la fréquence très souvent utilisée pour les AMDEC:

Tableau des scores standard utilisé en AMDEC pour noter la fréquence d'un mode de défaillance.
Tableau d’évaluation de la fréquence couramment rencontré en AMDEC. Le volume de référence est le million d’opportunités.

Elle s’adresse à des entreprises qui produisent de très grands volumes, typiquement l’industrie automobile. Toutefois « 1 pièce sur 100’000 » ne sera pas très parlant si vous prévoyez de produire 100 pièces par an.
Avant le début de l’AMDEC, il vaut mieux adapter les échelles à des critères qui ont du sens pour vous et votre projet.

Documenter pour documenter

Si durant l’analyse, vous vous rendez compte qu’un problème survient plusieurs fois, alors ne le documentez qu’une seule fois. Cela peut se produire, par exemple, si vous découvrez une faiblesse sur une méthode d’assemblage et que celle-ci est utilisée plusieurs fois dans le produit analysé.

Les informations redondantes ne font qu’encombrer la liste et sont une perte de temps. Explicitez plutôt l’importance particulière du problème en question. Au besoin, ajoutez une colonne qui indique l’effet multiplicateur afin qu’il ressorte en haut du classement final. Il ne faut donc pas tout documenter au sens strict.

Ne pas réaliser d’AMDEC

Les excuses sont nombreuses: « pas besoin », « perte de temps », « hors du cahier des charges », « le problème est ailleurs », « on manque déjà assez de ressources ».
Ce sont souvent des justifications amenées pour des produits ou processus qui souffrent déjà fortement de difficultés et où on espère qu’en ne voyant pas le problème en face, il disparaitra de lui-même.

Dans mon expérience, les AMDEC bien réalisés apportent toujours des bénéfices significatifs, que ce soit au niveau de la conception, de la production ou de la fiabilité chez le client.

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