Aller au contenu
Accueil » Articles » La taille des lots

La taille des lots

La taille des lots a un impact important sur le comportement d’une ligne de production.
Elle influence fortement :

  • Le temps de passage : Le temps nécessaire pour traiter le lot, et donc qu’il soit disponible pour le client.
  • La réactivité : La capacité de changer rapidement de produit ou de variante.
  • Le capital immobilisé et le risque financier lié aux non-conformités.
  • La charge de travail liée au changement de série.

Ce dernier facteur est clé, car il détermine pour une grande part quelle sera la taille optimale du lot. C’est ce que nous allons voir dans la suite de cet article.

Dans l’idéal Lean, la taille de lot est de 1. On produit une pièce unique, puis on produit n’importe quelle autre pièce juste après, peu importe s’il s’agit du même produit ou non, s’il y a des options ou des variantes.
Dans la réalité, on est limités par les coûts de changement de série.

Les coûts de changement de série

Changer de série implique de nombreuses tâches :

  • Communiquer l’existence d’un nouvel ordre de production et ses spécificités.
  • Allouer les ressources et déterminer la priorité du lot.
  • Préparer les matières premières et les pièces.
  • Préparer les machines et les postes de travail ; adapter les outils, les programmes de fabrication, les réglages.
  • Distinguer la configuration produite des autres et l’acheminer à la bonne commande, au bon client. Cela implique de séparer ces pièces des autres, ce qui peut devenir complexe en pratique, surtout si les pièces ont un aspect extérieur identique.
  • Effectuer les tâches administratives : garder trace de qui a fait quoi, du nombre de pièces traitées et des rebuts, du progrès du lot, des numéros de série, clôturer l’ordre de travail,…

Ces tâches ont peu, voir aucune valeur ajoutée pour le client final. On ne pourra donc pas justifier leur coût dans le prix du produit.

On peut voir ces tâches comme des coûts fixes, liés à l’existence d’un lot, alors que le travail des pièces en lui-même est un coût variable, proportionnel au nombre de pièces produites.

Exemple de coût de production pour un lot: coût fixe de 120.-, coût variable de 5.- par pièce.

Pour limiter ces coûts fixes, la tendance naturelle est de produire des lots aussi grands que possible.

De trop grands lots

Produire de grandes quantités d’un coup semble idéal, car on ne paie le coût fixe qu’une seule fois.
En réalité, on vient de créer un lot géant qui va occuper la ligne pendant longtemps. Et il y a là plusieurs désavantages :

  • Si le client change sa commande ou qu’il place une commande urgente, on est en difficulté pour répondre à ces nouvelles demandes. Il faudra attendre le passage du lot géant pour que la ligne se libère peu à peu avant de pouvoir changer de référence. Ou alors il faut interrompre la production en cours, ce qui demande aussi une bonne organisation, de l’espace pour stocker les encours et d’avoir suffisamment de trésorerie.
  • Comme la ligne est occupée plusieurs jours à produire une certaine référence, d’autres références peuvent être en rupture de stock. On va donc émettre des ordres de productions prioritaires pour ces dernières, qui mettront en retard les lots initialement prévus.
  • Si le contrôle de qualité est une opération en soi et qu’on attend systématiquement d’avoir fini une opération avant de passer à la prochaine, on risque d’avoir produit beaucoup de pièces défectueuses avant de se rendre compte qu’il y avait un problème. Il faudra jeter ou retravailler tout le lot. En fait, la cause première est ici le délai entre production et vérification. La taille du lot vient seulement amplifier ce problème.
  • Le capital immobilisé sur la ligne est élevé, car on a besoin de tous les composants pour commencer le lot, et on ne mettra les pièces en stock qu’une fois l’ordre de travail clôturé. À moins de scinder le lot pour accélérer un peu le temps de passage.

Empêtrés dans ces difficultés, on aura de la peine à produire de manière concurrentielle.
Il y a donc une taille de lot économique à déterminer, à l’équilibre entre les coûts de changement de série et les inconvénients des grands lots.

Une taille de lot économique

Justifier une réduction de la taille des lots est parfois difficile. En effet, on peut facilement chiffrer et percevoir les coûts de changement, alors qu’il est plus difficile d’évaluer le coût des inconvénients subis et des opportunités manquées. Ceci d’autant plus qu’on s’est habitués à la situation et qu’elle parait donc tout à fait normale.

C’est un piège à connaître, car selon le tableur on aura pris la meilleure décision en ne changeant rien. Pire, on augmentera la taille des lots en se réjouissant de l’économie réalisée sur les changements de série.
Pourtant, dans la réalité on est perdant.

Exemple de coût par pièce. Une fois le coût fixe amortit (ici: vers environ 30 pièces), le coût par pièce diminue lentement. D’un point de vue local, il est moins cher de continuer à produire. Toutefois, cela rigidifie la ligne pour un gain faible.

Il faut évaluer la situation de manière globale et déterminer si la taille des lots est adaptée ou non.

Une approche est de modéliser la ligne et de simuler les différentes tailles de lots afin de voir comment les valeurs clés évoluent : coût des changements, temps de passage, capital immobilisé,…

Un autre moyen est de diminuer peu à peu la taille des lots. Dès qu’on constate des difficultés sur le terrain, on va maintenir la taille des lots et résoudre les difficultés rencontrées. Une fois la situation normalisée, on pourra poursuivre la réduction progressive de la taille.
Il est capital de faire de petits changements successifs. D’une part, parce que les effets négatifs peuvent être vifs et mettre la ligne sous forte pression. D’autre part, parce que tout système a son inertie et que les effets peuvent prendre un certain temps à se faire sentir.

Comme les coûts fixes de changement de série déterminent la taille optimale des lots, il est intéressant de les réduire autant que possible. C’est l’un des objectifs du Lean et de beaucoup des outils qui le constituent.
L’outil Lean de prédilection pour changer rapidement de lot sur une machine ou une station est le SMED.

Prendre en compte les spécificités

Parfois, les spécificités des processus peuvent influencer la taille des lots. Prenons pour exemple un processus de coupe qui nécessite de remplacer les outils toutes les 30 pièces produites. Si ce remplacement est coûteux, on aura une préférence pour une taille de lot qui est proche d’un multiple entier de 30. Dans le cas contraire, on risque même d’augmenter le coût par pièce.

Exemple de coût par pièce lorsque des coûts s’ajoutent toutes les 30 unités produites. Seules certaines quantités sont intéressantes du point de vue économique.

D’un point de vue économique, il s’agit d’une question de coût marginal. Là aussi, on peut chercher à dépasser cette contrainte en augmentant la durée de vie des outils, ou en réduisant le coût du remplacement de sorte que ce critère n’ait plus d’importance.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *